Pauline

Publié le par Candiice

Les photos sont là, il ne te reste plus qu'à les prendre.

 

"Fais ce que tu sais faire de mieux", high five en talons hauts et bons baisers de Nantes centre. Ton dos a soupiré quand je l'ai enlacé, le jeu pouvait commencer.

 

Voilà comment ça s'est passé, on a tout mis sur la table : tes gros sanglots, les clefs de ma cachette secrète, ton courage de golem d'argile, mes névroses de babydoll, tes yeux de robocop qui voient ce que le commun des mortels n'imagine même pas et ma voix à ultrasons. Ainsi qu'un tas d'autres choses comme tes mains gelées, mes cartes au trésor et le café qu'on a renversé. Il fallait faire vite, alors on a vidé nos poches sans perdre une seconde, aucune de nous deux n'avait son permis de détour et ni toi, ni moi n'étions disposées aux grands discours. Tu m'as parlé d'un compte à rebours, de regrets et de rêves jadis opaques qui devenaient translucides. Je ne savais pas trop quelle solution je pouvais t'apporter alors je t'ai promis la belle vie et une sacrée revanche. Je t'ai promis les plus beaux points de vue de la ville et une parenthèse de vie que tu pourras te remémorer à l'infini mais qui n'aura lieu qu'une seule fois.

 

Je me souviens que sur le chemin, tu vérifais sans cesse la position du soleil dans le ciel. J'avais voulu te rassurer, te dire qu'il n'allait pas s'enfuir ou que les moineaux qui te survolaient n'allaient pas l'emporter. Et, pour la première fois, je t'ai entendu rire ; pendant une demi seconde il s'est échappé de ta gorge, les quelques notes de la musique la plus civilisée du monde. Tu m'as regardé de tes yeux malins et on s'est offert une pause au milieu du chaos ambiant, dans ce désert citadin aux mirages consommables. Les yeux aveuglés, les pieds brûlés par les pavés urbains surchauffés, tu t'es libérée et je t'ai vu tenir mes promesses, sans mentir, sans défaillir. Même si le début parait petit, la motivation sert de départ et l'habitude te fera continuer. C'est donc avec un objectif inavoué, une lumière mal réglée et sans un bruit photographique que tu m'as tourné autour, immortalisant ce moment d'optimisme pur. Je t'ai dit que j'adorais les clichés et tu m'as répondu que le jour où j'essaierai d'en être un, il faudrait au moins un portfolio pour me ranger.

 

Le crépuscule menaçait, j'ai compris que tu c'était le signe que tu devais rentrer. Tu vivais avec une pendule à l'intérieur, et quand je m'approchais trop de toi, je pouvais entendre ton peacemaker te soulever la poitrine. J'étais en colère contre la vie qui t'avait imposé cette grenade d'âge qui tous les jours menaçait d'exploser, te laissant vieillie sans souvenir de coeur valable. Tu réclamais tes heures de vie bonus, des tours de sentiments gratuits et je n'avais que mes belles idées à partager. Alors te dire que c'est en croyant aux roses qu'on les fait éclore, que les hirondelles sont immortelles et que pour un envol de papillon tout le ciel est necessaire... Ca me semblait bien léger...

 

J'ai voulu m'excuser de mon impuissance au parfum de vanille et à la frange prétentieuse, mais tu as glissé ta main réchauffée entre mes doigts désolés. La nuit était tombée, je te sentais frissonner, la deadline était dépassée et tu allais en payer les conséquences. J'aurais aimé me plier en quatre et m'insinuer dans la poche de ton jeans, j'aurais continué de protéger tes arrières. Mais je me trompais, ça n'était plus de la peur qui roulait sous ta peau, c'était une excitation sauvage. Tu avais faim du monde entier et ton appetit d'ogre n'avait d'égal que la jeunesse dont on t'avait privé. Enfin, tu repoussais les frontières de la mort et c'était le moment le plus fort, le plus touchant et le plus douleureux du jeu. J'ai remplacé ton drôle de minuteur interne par toutes les cartes chance dont je disposais et ton dos a regardé le mien s'éloigner.

 

"Tu sais peut être faire pleins de choses, mais là où tu restes la meilleure c'est dans l'art de vivre. Tu vas devenir une artiste de la vie."

 

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